Agrobusiness, agro-exportations
L’agrobusiness est un mot-valise d’origine anglophone qui désigne l’agriculture productiviste et tout le secteur économique qui s’y rattache. Une des traductions possibles en français serait le secteur agro-alimentaire. Le terme agrobusiness, inspiré par la description des systèmes agraires nord-américains, insiste sur les liens étroits entre le secteur agricole et les services amont (crédit bancaire, assurance…) et aval (transformation et commercialisation de la production…). L’agrobusiness est tourné vers les exportations, ce qu’exprime un autre mot-valise, les agro-exportations. Certains pays se sont spécialisés dans ce secteur destiné à équilibrer leur balance commerciale comme la France, l’Allemagne ou le Brésil.
Alors que, dans son parcours vers l’intégration au système commercial mondial, l’Afrique doit faire face à d’énormes défis, le commerce africain connaît un succès inattendu. Plusieurs branches d’exportation africaines ont dépassé la croissance du marché mondial. Dans le carnet des exportations africain, les produits phares sont notamment les fleurs coupées, le poisson surgelé, les T-shirts, les pantalons pour femmes, les chaussures et les transistors. Ils sont la preuve que l’Afrique peut être concurrentielle.
Ces produits figurent parmi les découvertes du nouveau Trade Performance Index du CCI, lancé à Bangkok lors de la CNUCED X. Cet index classe les résultats à l’exportation de 184 pays dans 14 secteurs d’exportation, plaçant les secteurs d’exportation de tous les pays sur une échelle mondiale de compétitivité. Ce nouvel index a pour base les résultats à l’exportation de 1998, ainsi que le comportement de ces résultats entre 1994 et 1998.
Le Trade Performance Index a été lancé au même moment sur le site internet du CCI (http://www.intracen.org/services/mas/smr_inde.htm), avec des graphiques et des tableaux pour les pays d’Afrique, ainsi que pour tous les autres pays.
L’Afrique diversifie ses activités
En 1998, les exportations africaines se montaient à environ US$ 124 milliards. Entre 1994 et 1998, les exportations totales, sans le pétrole, augmentèrent de 5% par année. Derrière ces chiffres se dessinent des réussites pour différents produits et pays.
Traditionnellement exportatrice de produits de base, l’Afrique est en train de diversifier ses activités avec la production de biens et de services. La Tunisie est un bon exemple des secteurs en croissance en Afrique. Les exportations de composants électroniques ont passé la barre des US$ 500 millions, augmentant au rythme annuel de 22% depuis de plusieurs années. Dans le secteur de l’habillement, et malgré une concurrence mondiale féroce, la Tunisie a réussi a accroître sa part du marché; elle se situe maintenant au huitième rang de l’index pour l’habillement, ce qui représente des exportations pour US$ 2,5 milliards vers différents groupes de pays. Maurice, autre grand exportateur africain, a aussi augmenté sa part du marché mondial, fournissant des vêtements pour une valeur de US$ 1 milliard.
Dans le secteur textile, les fournisseurs principaux sont l’Afrique du Sud, le Maroc et le Zimbabwe. Plus récemment, de nombreuses petites entreprises ont connu de bons résultats et connaissent une élévation rapide de leurs exportations, c’est le cas du Cameroun, de Madagascar et du Soudan.
Position dominante sur la scène mondiale
L’Afrique australe a rejoint les rangs des zones phares dans le commerce mondial. Dans cinq parmi les quatorze secteurs couverts par l’index, l’Union douanière d’Afrique australe (SACU) figure parmi les quinze meilleurs exportateurs du monde. L’équipement de transport en est un exemple: la SACU s’y trouve à la neuvième place, avec des exportations se montant à US$ 1,4 milliards et une forte diversification des produits et des marchés.
L’Afrique du Sud a fait l’objet d’un intérêt croissant de la part des compagnies transnationales pour y investir, comme le démontre une récente enquête de la CNUCED sur les investissements étrangers directs en Afrique.
Les réussites africaines dans l’exportation ne se limitent pas aux pays du Maghreb ou d’Afrique australe. Les exportations des pays subsahariens (à l’exclusion de l’Afrique australe) sont loin d’être marginales dans certaines catégories de produits. Ainsi, cette région est un exportateur net majeur d’aliments frais et de produits agroalimentaires. En outre, plusieurs de ces pays sont en train d’améliorer leur compétitivité dans les exportations d’aliments préparés, comme on peut le constater dans le Trade Performance Index avec le changement de position du Kenya, du Malawi, du Ghana et du Mozambique.
Trouver les bons partenaires en Afrique et établir la confiance
Potentiel commercial de l’afrique: Possibilités d’exportation sur les marchés porteurs
Tant la région que les nouveaux marchés émergents offrent des débouchés commerciaux pour l’Afrique subsaharienne (ASS). La diversification sur les marchés de la région offre les meilleures perspectives de progrès le long de la chaîne de valeur pour réduire la dépendance vis-à-vis des produits de base, alors que les marchés émergents, notamment d’Asie, recèlent aussi un potentiel de croissance qui permettrait de compenser la stagnation des marchés traditionnels.
par Yvan Decreux, Analyste principal de marché et Julia Spies, Analyste adjointe de marché, Division du développement des marchés
Une étude menée par l’ITC en 2012, Potentiel commercial de l’Afrique: Possibilités d’exportation sur les marchés porteurs, traite des possibilités offertes à l’ASS d’obtenir des recettes durables à l’exportation en augmentant la part des produits à valeur ajoutée exportés. L’étude recense aussi les options et mesures stratégiques susceptibles d’aider les pays d’ASS à maximiser la croissance économique liée au commerce jusqu’en 2025 en tirant parti des marchés de croissance d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique, ainsi qu’en investissant dans les infrastructures liées au commerce et dans les programmes de facilitation des échanges.
L’ASS a déjà commencé à réorienter ses exportations vers l’Asie et la Chine en particulier, au détriment des marchés développés stagnants. L’Asie est à présent la 3ème destination des exportations hors pétrole de l’ASS derrière l’ASS elle-même, l’Union européenne et les pays de l’Association européenne de libre-échange. De plus, selon l’ITC les échanges entre l’Afrique de l’Ouest et l’Asie devraient augmenter de 14% par an sur les 10 ans à venir, soit une progression bien plus élevée que celle des échanges mondiaux. Ces progrès pourraient être considérés comme positifs, mais la grand majorité des produits de l’ASS destinés à l’Asie étant des produits de base, se contenter de se tourner vers les marchés de croissance ne suffira pas en soi à pérenniser les échanges. En se tournant simplement vers l’Asie, l’ASS risque de rester vulnérable aux chocs des prix des produits de base.
Afin d’estimer le potentiel commercial et les avantages économiques de diverses stratégies et mesures liées au commerce pour l’ASS, les questions suivantes ont été abordées dans l’étude de l’ITC:
- Dans quels secteurs et régions les exportateurs d’ASS ont-ils enregistré de bons résultats et progressé le long de la chaîne de valeur?
- Que devraient faire les décideurs politiques pour maximiser le potentiel commercial futur, d’une manière générale et tout en exportant vers les marchés d’Asie à croissance rapide?
Secteurs et régions dans lesquels les exportateurs d’ASS ont enregistré de bons résultats
Les exportations d’ASS sont déjà tournées vers les marchés d’Asie mais consistent toujours plus en des produits de base. Des efforts sont donc nécessaires pour développer le commerce de produits à plus forte valeur ajoutée.
L’étude de l’ITC évalue la capacité de l’ASS de monter dans la chaîne de valeur, à l’import comme à l’export, de la manière suivante:
- En partant du principe qu’une augmentation de la part des produits intermédiaires dans le total de ses importations indique que des industries de transformation sont en train de voir le jour dans le pays et qu’elles transforment des intrants étrangers pour le marché intérieur ou la réexportation;
- En partant du principe qu’une augmentation de la part des produits transformés dans le total de ses exportations indique que des industries de transformation sont en train de voir le jour dans le pays et qu’elles transforment des intrants intérieurs ou étrangers pour l’exportation.
Dans l’ensemble, la part des intrants intermédiaires est restée stable alors que celle des produits transformés (partiellement ou entièrement) a augmenté. Les résultats de l’ASS à l’exportation sont donnés dans le tableau ci-dessus. Les exportations de produits transformés de la région (pain, textiles, meubles, etc.) et semitransformés (farine, fil, alcool industriel, etc.) ont augmenté plus rapidement que les exportations de produits bruts hors pétrole entre 1995 et 2010. S’agissant des exportations intrarégionales, les produits transformés et semi-transformés représentent l’essentiel des exportations hors pétrole, avec 46% et 41% respectivement.
La part de ses exportations de produits entièrement transformés à destination de l’Asie reste toutefois minime (5%), ce qui signifie que des améliorations sont encore possibles. Dans certains secteurs des réussites méritent d’être relevées. Le secteur du cuir est un bon exemple d’intégration verticale dans lequel plusieurs pays ont créé des industries de transformation du cuir et augmenté leurs exportations de produits finis. Le secteur du coton et des textiles a moins bien réussi, seuls trois pays – Burkina Faso, Tchad et Mali – ayant vu augmenter leur part des textiles dans le total des exportations de la branche.
C’est essentiellement en ASS même que se trouvent les marchés les plus prometteurs pour ces pays performants d’ASS, de même que parmi les marchés traditionnels d’Europe et de l’OCDE. Les exportations vers ces marchés se sont progressivement orientées vers les produits transformés, même si leur croissance n’est pas rapide. Pour toutes ces raisons, des mesures politiques doivent être recensées pour permettre à l’ASS d’exploiter les débouchés commerciaux et les possibilités de croissance qui s’offrent à elle en se tournant à la fois vers les marchés à croissance rapide et vers les exportations à plus forte valeur ajoutée.
Améliorer les infrastructures de transport pour développer le commerce intrarégional
Les pays d’ASS et d’Asie devraient dans les 10 années à venir connaître une croissance rapide, ce qui alimentera le commerce intrarégional en ASS ainsi que les échanges entre les deux régions. L’augmentation de la demande asiatique devrait tout particulièrement bénéficier aux exportations de produits primaires d’ASS (pétrole, charbon, gaz). Sur fond de prévisions de croissance des échanges tirée par la seule croissance économique, l’analyse réalisée par l’ITC simule les effets potentiels de trois types de changements de politique:
- réduction du temps et du coût du transport dans la région grâce à l’amélioration des infrastructures commerciales, y compris portuaires et routières;
- simplification des procédures douanières en ASS;
- simplification des procédures douanières avec l’Asie.
Selon les estimations de l’ITC, améliorer les infrastructures de transport et ainsi réduire de moitié le coût et les délais de transport des marchandises dans la région pourrait doper le PIB de l’ASS de plus de $E.-U. 20 milliards par an d’ici 2025 et augmenter les échanges dans la limite de 51% par rapport au niveau de référence. Cette mesure bénéficierait essentiellement au commerce intrarégional, le coût relatif et le temps perdu du fait du mauvais état du réseau de transport africain y étant les plus élevés. Les répercussions toucheraient directement les industries de transformation qui bénéficieraient d’une amélioration de l’accès aux marchés, des intrants et des machines. Parmi les trois simulations étudiées par l’ITC, ce sont les améliorations apportées aux infrastructures qui dégageraient les bénéfices économiques les plus élevés, mais du fait de la taille du continent africain, elles risquent aussi d’être les plus coûteuses.
Les procédures douanières restent longues en dépit des améliorations enregistrées ces dernières années dans certains pays d’ASS. Un programme de facilitation des échanges qui réduirait de moitié les délais pour accomplir les procédures en douane pourrait dégager $E.-U. 15 milliards de PIB supplémentaire par an pour l’ASS. Enfin, la simplification des procédures en douane avec les partenaires commerciaux asiatiques serait bénéfique pour les pays d’ASS, mais principalement pour les secteurs à faible valeur ajoutée.
Comment les décideurs politiques devraient maximiser le potentiel commercial
Réduire le temps et le coût de transport via des projets d’infrastructures devrait être une priorité sachant que cela permettrait d’encourager le commerce intrarégional de produits à valeur ajoutée. L’étude de l’ITC brosse un tableau complet des marchés et secteurs prometteurs pour les exportations de l’ASS. Une réorientation rapide de ces exportations vers les marchés émergents à croissance rapide a déjà été entamée mais elle se concentre sur les matières premières en général et le pétrole en particulier. En l’absence d’action politique déterminée, l’évolution de la croissance prévue risque fort de confirmer cette tendance.
Parallèlement, certains pays d’ASS participent aux échanges de produits à plus forte valeur ajoutée et la région offre même des marchés pour les produits transformés. Les projets d’infrastructures qui encouragent le commerce intrarégional pourraient donc favoriser l’établissement d’industries de transformation. Les projets de simplification des procédures douanières offriront des retombées légèrement moindres mais seront bien moins coûteux à mettre en oeuvre. Enfin, les initiatives bilatérales de facilitation des échanges entre l’ASS et l’Asie risquent de favoriser les échanges de produits primaires. Ces initiatives doivent s’accompagner d’investissements asiatiques dans les industries de transformation en ASS pour créer de nouvelles chaînes d’approvisionnement entre les fabricants asiatiques et leurs filiales en ASS.
Table Ronde : « Commerce International: Vendre et distribuer les produits africains en France … Trouver les bons partenaires en Afrique et établir la confiance » ce vendredi 21 Janvier de 16h00 à 17h30
composée des pannélistes suivants :
- Aissata DIAKITÉ (Mali) – Zabbaan Holding
- Seynabou DIENG (Mali) – Maya
- Benoit LAURENT (France) – Sitala Lillin’Ba
- Liadé BOUABRÉ (Côte d’Ivoire) – Africa For Good