La transformation locale des matières premières agricoles: Bilan & Perspectives

la TransformatIon productIve de l’Afrique dans un monde en pleIne évolution

La croissance de l’Afrique devrait s’établir à 3.6 % en 2019. La demande intérieure progresse, à 6.7 %, et s’oriente vers les produits transformés. Cette dynamique crée des opportunités dont de nombreuses entreprises se saisissent afin de déployer leur activité à l’échelle du continent.

Mais la plupart des entreprises africaines sont moins productives que leurs concurrents internationaux. Le ratio Afrique-Asie de la productivité de la main-d’œuvre a baissé, passant de 67 % en 2000 à 50 % en 2018. Dans certains pays d’Afrique, pratiquement 91 % de la main-d’œuvre non agricole travaille toujours dans le secteur informel.

Trois types de politiques peuvent favoriser la transformation de la structure de production de l’Afrique, en particulier pour les entreprises récentes et de petite taille, qui assurent 22 % de la création nette d’emplois :

  • Dans un premier temps, les pouvoirs publics doivent veiller à ce que les pôles d’entreprises aient accès à des services commerciaux. Le profil du secteur privé en Afrique est très diversifié, avec des « champions » dynamiques, des sociétés bien établies, des petites entreprises en croissance mais aussi des entreprises de subsistance informelles. Des pôles d’activité efficaces améliorent les relations entre les acteurs, la spécialisation et les compétences. Les entreprises de la zone économique spéciale de Kigali ont ainsi multiplié par deux leur valeur ajoutée. Pour fonctionner, les pôles doivent acquérir des avantages comparatifs mobilisant des investisseurs et des autorités locales et renforcer les écosystèmes existants. De fait, 49 % des start-ups africaines sont concentrées dans cinq villes : le Cap, Lagos, Johannesburg, Nairobi et le Caire ;

  • Ensuite, les politiques doivent renforcer les réseaux régionaux de production. L’approvisionnement régional en Afrique ne dépasse pas les 15 %. Les pays auraient tout avantage à mieux coordonner leurs stratégies à l’échelle régionale : 49 % des secteurs visés par de nouvelles stratégies d’industrialisation font actuellement double emploi. Des normes régionales aideraient les petits exploitants à accéder à des chaînes de valeur régionales, surtout dans l’agriculture, qui représente 50 % de l’emploi total. Des stratégies concertées en matière d’investissements directs étrangers pourraient attirer des investisseurs, renforcer les capabilités régionales et éviter la concurrence fiscale ;

  • Enfin, des politiques de soutien aux exportateurs africains sont indispensables pour qu’ils puissent prospérer : 18 % seulement des nouvelles entreprises exportatrices sont encore là après trois ans d’activité. Les stratégies d’exportation doivent cibler plus finement les différents marchés. Les exportations des entreprises africaines à destination du marché intra-africain sont 4.5 fois plus diversifiées que celles destinées au reste du monde, mais pour une valeur 8.5 fois inférieure aux exportations vers la Chine. Le démantèlement des barrières non tarifaires réduit les incertitudes pour les exportateurs et pourrait multiplier par cinq les gains de la suppression des tarifs. Les exportateurs ont besoin d’une simplification des démarches administratives mais également d’une connectivité et d’infrastructures optimales, en particulier pour le transport aérien, les routes et les ports. Ils doivent par ailleurs se conformer aux normes de qualité : en dépit d’un triplement des certifications ISO en Afrique depuis 2000, le continent a déposé en 2015 autant de dossiers que la Malaisie.

Création d’emplois par la transformation locale

L’amélioration de la souveraineté alimentaire et de l’augmentation des revenus des populations rurales nécessite plusieurs axes de travail, comme le droit de protection du marché alimentaire par des taxes d’importation, une augmentation et une diversification de la production agricole, une production plus durable en réduisant les apports chimiques, mais aussi la promotion de la consommation des produits locaux. La concurrence des produits importés est lourde, surtout dans la capitale où une grande partie des produits alimentaires consommée vient d’Europe, d’Asie ou de l’Amérique. Dans un pays, où deux tiers de la population vit de l’agriculture, il est nécessaire d’augmenter l’offre des produits alimentaires transformés localement et d’agrandir la part du marché des produits locaux.

Dans ce contexte, une des filières la plus prometteuse est le manioc. Le manioc est un tubercule assez répandu en Afrique de l’Ouest, qui nécessite de relativement peu de fertilisants, de pesticides et d’entretien. A cause de son apport de calories et de revenus additionnels provenant des racines et des feuilles, l’importance du manioc dans la lutte contre l’insécurité alimentaire ne cesse d’augmenter.

Le tubercule lui-même, à l’image de la pomme de terre, peut être transformé et donc consommé de plusieurs formes différentes. A titre d’exemple, un met qui gagne en popularité au Burkina est l’attiéké, Comparable au couscous de blé, l’attiéké est toutefois légèrement acide. Pour ce type de consommation,une double transformation est nécessaire : du manioc en pâte de manioc et ensuite la transformation de la pâte en graines fines. 

L’agroalimentaire doit primer en Afrique

Les performances économiques africaines ces dix dernières années ont été remarquables, avec une croissance moyenne de 5%. Si cette croissance se maintient, les projections indiquent que le PIB du continent pourrait tripler d’ici 2030 et multiplier par sept en 2050 pour dépasser celui de l’Asie. Or pour l’instant, cette croissance ne s’est traduite ni par des créations d’emplois, ni par la réduction des inégalités.Au-delà de la croissance, le continent doit se transformer.

La production agricole est l’un des secteurs les plus importants pour une majorité de pays africains. Environ 75% des Africains dépendent de ce secteur comme moyen d’existence. L’histoire a montré combien l’agriculture (l’agroalimentaire et l’agro-industrie,) est un moteur de croissance à travers le monde, au Brésil par exemple, ou encore en Chine. L’agroalimentaire et l’agro-industrie représentent plus de 30% du revenu national des pays africains et constituent l’essentiel des revenus d’exportation et de l’emploi. Un agroalimentaire performant représenterait une nouvelle frontière en termes de croissance, puisqu’elle générerait presque instantanément de la valeur ajoutée grâce à une industrialisation fondée sur les produits de base, exploitant les liens en amont et en aval de l’économie. Cette industrialisation permettrait aussi de sortir un grand nombre d’habitants des zones rurales de la pauvreté et de créer des emplois.

L’agroalimentaire est un réservoir important en termes d’opportunités. Le postulat sous-jacent d’une diversification des sources de croissance peut permettre d’éviter une trop grande dépendance vis-à-vis des revenus d’exportation issus des produits de base.

Table Ronde : « La transformation locale des matières premières agricoles: Bilan & Perspectives » de 16h00 à 17h30

composée des pannélistes suivants :

  • Édrine SAMBA (Congo Brazzaville) – La Maniocquerie du Congo
  • Axel EMMANUEL (Côte d’Ivoire) – Le Chocolatier Ivoirien
  • Mariam SORO (Côte d’Ivoire) – Somam Agri
  • Véronique Ama EGGLEY (Togo) – Africa For Good